Ta main tremble, tu navigues sur le store en faisant mine de ne pas savoir ce que tu cherches alors qu’au fond de toi tu sais déjà ce que tes doigts vont écrire. Tu verrouilles ton écran, te lèves, prends une grande inspiration et regardes par la fenêtre. C’est une belle journée, tu es de repos et tu as du temps pour toi, peut-être est-ce ça le problème. Tu passes la main dans tes cheveux, tu tournes en rond, tu fais les cent pas ton téléphone toujours en main et tu finis par te décider : tu vas le faire, après tout ce n’est qu’une application. Tu hésites quelques secondes avant d’appuyer sur le petit oiseau bleu puis tu finis par céder et tu lances le téléchargement.

Les secondes te paraissent être des heures, tu ressens la même excitation à chaque fois, le même besoin pressant de devoir vite retrouver tes marques, le même frisson envahissant que tu n’arrives à ressentir qu’en te connectant ici. Le profil est déjà enregistré, tu n’as qu’à entrer ton mot de passe et le tour sera joué. Tu reçois une notification te souhaitant « un bon retour parmi nous » qui te fait sourire avant de t’infliger une petite douleur à la poitrine, les tremblements reprennent et tu sens que tu as besoin de faire une pause. Tout ce temps déconnecté t’a paru si long, si prometteur. Tu avais nourri tant d’espoirs dans tes capacités à résister, tu avais fait tant de concessions, pris sur toi un nombre incalculable de fois. Tu avais peur de rechuter un peu éméché en rentrant de soirée ou bien un dimanche soir pluvieux lorsque la solitude se fait trop pesante mais il n’en est rien.

Nous sommes samedi, il est quatorze heures, le soleil brille dans le ciel et tu es parfaitement sobre. Tu décides de te faire couler un café afin de te rafraîchir les idées, peut être que c’est comme pour la cigarette, peut-être qu’en attendant un peu tu retrouveras la force de dire non. Vingt minutes plus tard après trois tasses ingurgitées et plus de dix allers-retours entre ta chambre et ton salon tu finis par admettre que non ça ne passera pas. Tu t’installes confortablement dans ton canapé et reprends ton portable la mine un peu assombrie. Tu essayes de te rassurer et tu dis à haute voix comme pour t’en convaincre « je ne fais que regarder ». Après tout c’est vrai quoi, il suffit de se contenter de regarder. La page d’accueil est noyée d’informations inutiles et de vidéos dont tu n’as pas grand-chose à faire, ce qui t’intéresse ne se trouve pas facilement, il faut taper les bons mots et heureusement pour toi tu les connais par cœur. Tu tapes doucement « moneyslave » dans la barre de recherche et fais défiler les résultats qui s’offrent à toi, quelques opportunités de remboursement, des appels au slow drain, des hashtags findom de tous les côtés. Tu te surprends à trouver ça ennuyeux et répétitif, tu commences même à reprendre confiance en toi en te disant que ça y est tu as changé, tous tes efforts n’ont pas été vains, tu es un homme sûr de lui capable de résister à ses pulsions.

Fier de ta réussite tu commences à sourire et à prendre un petit air méprisant devant tous ces mots clés devant lesquels autrefois tu aurais si facilement succombé, tu rigoles, tu critiques, tu te dis que tu vaux vraiment mieux que tout ça. Tu reviens sur ta page d’accueil, scroll quelques minutes et soudain l’algorithme semble se mettre en marche. Parmi tous les articles divers et variés sur des sujets d’actualité un post apparaît. La photo d’une femme brune aux reflets rouges vêtue d’un harnais de perles attire ton regard, tu lis la description qui accompagne la photo «Même si tu essayes de me résister tu seras incapable de me dire non. Me vénérer n’est pas un choix c’est une fatalité. » Pas de hashtag, pas de mots clés, pas de réclamation, pas de demande d’attention, juste cette photo sensuelle et enivrante accompagnée d’une simple phrase. Pourquoi te sens tu si troublé ? Tu relis le texte encore et encore, le mot « fatalité » résonne dans ta tête, tu zoom sur la photo, observant chaque détail de sa peau nacrée, tu regardes la rondeur des perles qui épouse parfaitement ses courbes. Fatalité. Peau. Fatalité. Peau.

Alors que ta tête te crie « non » ton doigt se dirige sur son profil. Tu commences à faire défiler ses tweets, tu regardes chaque vidéo, chaque texte, chaque photo, tu likes frénétiquement son contenu comme une machine. Tu veux trouver la faille, il y en a forcément une. Une centaine de tweets plus tard tu dois te rendre à l’évidence, elle est parfaite. Elle est belle, riche, intelligente, elle n’a besoin ni de toi ni de ton argent, elle ne joue pas de rôle. Elle se contente d’exister. Des picotements envahissent ton visage, tu as chaud, tu es excité, tu sens que tu perds le contrôle. Dès le début tu as remarqué les moyens de paiement dans sa bio, tu vas juste regarder, regarder ça ne fait pas de mal. Tu cliques, fais défiler la liste et te sens envahi par une forte sensation de chaleur, tout ton corps est comme guidé vers elle, tu veux l’honorer, tu veux l’approcher, tu espères pouvoir attirer son attention ne serait ce qu’un instant.

Ta carte bleue en main tu te décides enfin. Combien faudrait-il pour qu’elle te remarque elle qui n’a besoin de rien ? Tu envoies 50. Non 50 c’est ridicule, il lui faut plus, tu envoies 100. La vue de la notification de paiement fait durcir ton entre jambes, « pas encore s’il vous plaît ». Tu implores, tu ne sais pas qui, mais tu implores. Puisque tu restes sans réponse face à tes supplications, tu commences alors un long voyage vers l’enfer, 100, 200, 300, 400, 500 … Les chiffres défilent, tu envoies sans arrêt, ça ne va presque pas assez vite à ton goût. Alors que tu t’apprêtes à envoyer ta vingtième offrande un message s’affiche sur ton écran « paiement refusé ». Tu quittes l’application pour ouvrir celle de ta banque, le solde négatif sur ton compte s’affiche en grand en rouge, tu as atteint le maximum de ton découvert autorisé. La vue de cet endettement te provoque un frisson qui s’étend dans tout ton corps. Tu es en extase, en transe, tu ne contrôles plus rien, tu as complètement lâché prise. Dans un dernier sursaut tu serres la bosse dans ton pantalon pour sentir que tu es complètement trempé et tu lâches un râle de plaisir et de douleur. Les minutes passent alors que tu gis sur ton canapé, les bras pendant et le souffle court. Après un certain temps, tu reprends peu à peu possession de ton corps et du monde qui t’entoure. Le solde rouge est toujours affiché sur l’écran éclairé par quelques rayons de soleil. Tu utilises tes dernières forces pour taper sur les lettres de ton clavier et tu pars t’enfermer dans ta chambre.

Aujourd’hui nous sommes samedi, il est quinze heures, le soleil brille dans le ciel et une jeune femme brune aux reflets rouges ouvre les yeux après une sieste improvisée dans ses draps en satin. Elle attrape son téléphone, le déverrouille et voit des notifications s’afficher sur son écran. Elle compte, 100, 200, 300, l’écran est si saturé qu’elle doit se rendre sur l’application pour compter le total reçu. Elle sourit en voyant qu’elle a reçu pas loin de 2500€ et décide d’ouvrir twitter pour se divertir un peu. Dans ses messages privés une demande de contact apparaît, elle l’ouvre et voit apparaître alors le mot « merci ». Rien de plus, juste « merci ». Curieuse, elle appuie alors sur l’icône de profil de l’admirateur anonyme pour se rendre sur son profil. Lorsque la page s’affiche un message apparaît alors à l’écran « utilisateur désactivé »

Access my VIP content

Ces quelques mots ne sont qu’un infime aperçu de mon univers qu s’étend chaque semaine. Tu as la possibilité de t’abonner à ma plateforme VIP ou acheter mon contenu exclusif à l’unité pour le prix d’un bon café. Ne gâches pas cette opportunité.