Pour O.

Il est 20h00 lorsque tu te mets en route pour l’anniversaire de ton ami Nicolas. Cela fait bientôt un an que tu ne l’as pas vu et même si tu ne raffoles pas des grands rassemblements tu as décidé de faire l’effort compte tenu de l’importance de l’événement à célébrer. Tu as sorti pour l’occasion ta chemise en lin beige, elle est un peu froissée et un peu courte mais tu te dis que ce sera toujours mieux que tes tee shirts de gaming habituels.

Après avoir hésité quelques instants entre le métro ou la marche la pluie battante et l’absence de parapluie auront fini par te faire trancher. Tu te diriges vers la station et tu t’engouffres dans les longs couloirs de la ligne 9 d’un pas rapide. La lumière aveuglante et le bruit assommant des portes qui se referment te font regretter l’espace d’un instant ton choix mais il est trop tard pour changer d’avis, tu n’as certainement pas envie de te faire remarquer en arrivant en retard.

Arrivé au Trocadéro tu colles les murs des cafés de la place pour éviter au maximum la pluie torrentielle qui s’abat sur la route. Tu finis par arriver devant un immeuble en pierres blanches orné de marbrures dorées et tu te sens soudainement bien loin de ton univers habituel. Tu es alors pris d’une vague d’angoisse saisissante. Ne vas-tu pas avoir l’air ridicule avec ton vin bon marché et ta carte d’anniversaire achetée chez l’épicier du coin ? Tu jettes un coup d’œil rapide à ton reflet dans la porte vitrée pour constater les dégâts : ta chemise est tâchée par des gouttes, tes cheveux mouillés par la pluie se sont remis à boucler et tes chaussures en daim semblent décolorées par endroits. Le tableau n’est pas ravissant mais tant pis, de toute façon tu ne connaîtras personne à part ton ami, à quoi bon faire un effort ? Alors que tu allais sonner à l’interphone, tu entends une voix derrière toi qui te dit « Je pense que nous allons au même endroit, tu veux bien me tenir ça ? ». Sans avoir eu le temps de répondre, tu te retrouves avec un parapluie dans les mains. En levant les yeux tu découvres alors une jeune femme brune en train de fumer une cigarette. Elle porte un long manteau noir en laine, des gants en velours bordeaux et une grande écharpe en soie. Elle fouille dans son sac en marmonnant avec agacement quelques mots incompréhensibles avant de brandir devant toi un rouge à lèvres Dior et un miroir de poche. « Les voilà ! ». Alors que tu es toujours silencieux elle te regarde en souriant et te dit « Impossible de me remaquiller correctement avec ce parapluie, tu tombes très bien ! ». Semblant complètement ignorer le fait que tu sers d’assistant depuis cinq minutes elle se met alors à repasser d’un geste sensuel le rouge sur ses lèvres délicates. Elle passe sa main dans ses cheveux pour leur redonner du volume et range son nécessaire dans son sac. « Super je suis prête, tu peux sonner ! ». Un peu déstabilisé par la situation tu appuies sur l’interphone sans dire un mot et ouvres la porte d’entrée. La belle passe devant toi en te lançant un regard amusé et se dirige vers l’ascenseur en faisant claquer ses talons. Avant d’avoir eu le temps de réagir, tu vois les portes se refermer et monter jusqu’au troisième étage. Tu penses alors « C’est une blague ? Qui est cette femme ? » Tu refermes le parapluie et tu montes les escaliers à grands pas bien décidé à rattraper l’indécente inconnue. Lorsque tu franchis le pas de la porte, ton ami t’accueille à bras ouverts et te lance un regard interrogateur avant de te dire « Pourquoi tu es trempé alors que tu as un parapluie ? » Sans prendre le temps d’attendre ta réponse il se dirige en rigolant dans le salon déjà rempli. « Où est-elle ? » Tu poses le parapluie sur le porte manteau et tu essayes de la repérer dans la foule d’invités. La musique trop forte et les vapeurs de cigarette te donnent la nausée, tu as déjà envie de partir. Par politesse tu te dis qu’il va falloir que tu restes un peu et tu te te fixes comme objectif de tenir au moins deux heures avant de t’échapper. Il te faut juste un endroit où survivre en attendant que la soirée se passe. Tu avances de pièces en pièces en murmurant quelques « bonsoir » à chaque personne que tu croises avant d’arriver devant une porte fermée. Tu tends l’oreille contre le bois strié et n’entendant aucun son tu te décides à rentrer. Toutes les lumières sont éteintes mais la lueur de la lune te laisse deviner une silhouette à la fenêtre. Tu reconnais l’écharpe en soie posée sur le lit et tu t’approches alors de la méprisable inconnue. Accoudée à la balustrade, une cigarette dans une main et un verre de gin dans l’autre elle regarde le ciel en silence. De vagues paroles de protestation concernant l’incident du hall d’entrée te passent par l’esprit mais aucun son ne sort de ta bouche. Éclairée par les reflets argentés, elle te semble alors beaucoup plus douce et tu prends quelques secondes pour mieux l’observer. Ses longs cils noirs entourent avec grâce ses yeux en amande, ses lèvres pulpeuses légèrement humides brillent intensément et son nez aquilin semble s’accorder parfaitement avec ses traits harmonieux. Tu te surprends à penser « Qu’elle est belle. » Un grincement du parquet vient briser l’instant magique et l’insolente se retourne vers toi en souriant « Tiens, te revoilà, tu en as mis du temps. » Elle écrase sa cigarette, s’approche de toi avec assurance jusqu’à presque frôler ton visage et susurre « Tu es déjà amoureux ? ». Son rire raisonne dans la chambre vide et elle se dirige sur le lit avant de s’asseoir délicatement. Elle te regarde droit dans les yeux et te dit « Nous se sommes pas de la même espèce toi et moi mais je sais très bien ce qu’il te faut ». Elle te fait signe avec ses doigts d’approcher avant de pointer ses escarpins vernis « Ils sont beaux mais terriblement inconfortables, viens donc me soulager. » Tu es d’abord immobile, prisonnier de la situation, perdu entre l’envie de te rebeller et l’immense désir de pouvoir l’approcher. Le cœur finit par l’emporter sur la raison et tu avances jusqu’à elle avant de te mettre à genoux. Tu saisis délicatement sa cheville et enlèves sa chaussure en silence pour laisser apparaître son pied gracieux. Tu observes chaque détail : la courbe de son talon, la finesse de sa cheville, les reflets de ses orteils vernis, sa peau laiteuse sur le dessus. Tu es subjugué. Tu poursuis soigneusement le déshabillage avec la deuxième chaussure en attendant la suite de ses instructions. Elle caresse ton visage tendrement et te murmure à l’oreille « Fais moi oublier où je suis ». Elle s’allonge sur lit en frottant ses pieds contre ta bouche avant d’entrouvrir tes lèvres avec ses orteils, tu fermes les yeux transporté par des milliers d’émotions et tu te mets à sucer passionnément. Ta langue roule et frotte sur chaque recoin de ses pieds, tu embrasses, tu lèches, tu salives intensément. Le monde autour disparaît. Ses soupirs qui s’accélèrent t’encouragent à continuer. Tu donnes tout ce que tu as, tu oublies tout ce que tu pensais savoir de l’amour et de la passion pour ne te concentrer que sur son plaisir. Tes mains se joignent à ta bouche pour honorer cette créature divine qui t’offre pour la première fois de ta vie un moment de bonheur. Tu masses, tu presses, tu caresses, tu embrasses ces orteils comme si c’était la première et la dernière fois. Tu attends l’instant de grâce et lorsqu’il arrive tu reposes ses pieds sur le lit, essoufflé, les larmes aux yeux. Elle se relève et en passant la main dans tes cheveux te dit d’une voix suave « Moi c’est Marie . » Elle attrape ses talons avant de filer pieds nus dans la salle commune. Tu restes là un moment, assis dans la pénombre, le cœur battant la chamade et les idées confuses. Tu ne sais pas comment ni pourquoi mais ça ne semble pas avoir d’importance. C’était mieux que tout, mieux que le sexe, mieux que l’alcool, mieux que l’amour, mieux que tout ce que tu avais connu jusqu’ici. Un frisson parcourt tout ton corps et tu ne penses alors plus qu’à une chose, la rattraper. Tu cours jusqu’au salon, le visage encore mouillé et tu te mets à la chercher désespérément, tu bouscules tout le monde sur ton passage, tu te précipites dans la salle de bain, la cuisine, le balcon. Elle n’est nulle part. Tu veux partir, immédiatement, tu sens les larmes qui montent, tu dois partir. Tu te diriges vers la porte d’entrée et alors que tu allais tourner la poignée tes yeux se posent un instant sur le porte manteaux. Là, au milieu des vestes et des étoffes, trônant comme un roi au milieu de ses sujets le parapluie noir. Tu l’attrapes et un morceau de papier tombe à tes pieds. Tes mains tremblent en dépliant le morceau froissé et tu découvres alors une adresse écrite à l’encre noire suivie de quelques mots «Pour me faire encore oublier. M. »

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