Comme tu en as accumulé des bons points au fil des années. D’abord membre de l’équipe de football au lycée, tu as ensuite fini major de ta promo à la faculté de médecine. Aujourd’hui illustre chirurgien tu as ce qu’on appelle une vie bien rangée, tu t’es marié à ton amour de jeunesse dès que tu as eu 20 ans, tu es propriétaire d’une villa et d’une maison à la campagne et tu fais depuis peu un père de famille exemplaire. C’est simple tout le monde parle de toi comme d’un modèle de réussite, tu es vraiment ce qu’on appelle un homme idéal.

Chaque matin avant de partir au travail tu déposes un baiser sur les lèvres de ta femme encore endormie. Tu attrapes ta chemise soigneusement repassée posée la veille sur ta chaise de bureau et tu montes dans ta berline lustrée à la perfection. Sur le chemin du travail tu écoutes les informations à la radio en soupirant à chaque mauvaise nouvelle annoncée. Tu te gares soigneusement sur le parking de l’hôpital et lorsque tu arrives tu prends bien le temps de saluer avec le sourire le personnel soignant à l’accueil. La journée passe, les opérations s’enchainent et c’est de réussites en réussites que tu vogues au sein de cet univers aseptisé. Lorsque tu rentres chez toi tu caresses gentiment la tête de ton labrador et tu t’attelles en cuisine à préparer un bon diner pour toute ta famille. Pendant le repas les rires vont de bon cœur et tu contemples avec émotion ce doux spectacle attendrissant. Que pourrait-il te manquer ? Après avoir débarrassé sagement la table tu files prendre une douche avant de rejoindre ta dulcinée qui t’attend dans le lit, tu lui fais l’amour sagement, tendrement, tu jouis rapidement dans un orgasme que tu penses partagé et tu fermes les yeux avant de sombrer dans un profond sommeil.

Les jours défilent, la chemise repassée, les infos, le boulot, le repas, le sexe, tout semble s’enchainer dans un tourbillon d’équilibre et de douceur. Que pourrait-il te manquer ? La chaise, la radio, le bonjour aux collègues, les opérations, le labrador, le diner, l’amour. Que pourrait-il bien te manquer ? S’ajoutent parfois à ce va et vient florissant quelques sorties entre amis ou en famille le week-end, les balades au bord de l’eau avec ta chère et tendre, les soirées discussion avec les potes. Tout glisse et évolue dans ton sens, la vie semble avoir été faite sur mesure pour toi.

A force de travail et d’efforts tu décides un jour de déménager avec toute ta petite famille dans un logement encore plus luxueux et adapté à ton excellence. Après quelques recherches en ligne, tu as fini par trouver l’endroit idéal, tu te réjouis d’avance à l’idée de vivre cette nouvelle aventure pleine de promesses de bonheur. Ta femme a accueilli la nouvelle avec le sourire et c’est dès le lendemain de ton annonce que vous avez commencé à préparer ensemble le déménagement. Les cartons s’empilent, les rouleaux de scotch s’épuisent et en un rien de temps te voilà prêt à emprunter un nouveau chemin. Alors que ta famille est déjà sur place, tu es resté dans la maison vide pour terminer les derniers ajustements administratifs nécessaires. Tu te retrouves seul, assis au milieu du salon à observer calmement ce grand espace calme et lumineux. Les moulures en bois sur les murs parfaitement blancs, le marbre scintillant autour de la baignoire et le parquet en chêne brillant de mille feux. Après avoir inspecté soigneusement chaque recoin de la demeure tu regardes derrière toi pour t’assurer qu’il n’y a personne et tu te diriges lentement vers la trappe qui mène au grenier. Tu avances vers la porte en bois près du velux et tu sors de ta poche une petite clé en métal soigneusement emballée dans un écrin de velours. Tu la tournes dans la serrure jusqu’à entendre trois « clics » et tu glisses alors non sans mal dans l’ouverture à peine assez grande pour laisser passer un homme de ton envergure. Tu frémis dès que tu l’aperçois. Là trônant au milieu de la pièce, une boîte en fer rouge vif fermée par un cadenas à chiffres. Tu sais ce qu’il te reste à faire, tu as répété le scénario des centaines de fois dans ta tête : attraper la boîte, ne surtout pas l’ouvrir, courir avec jusqu’aux containers derrière la maison, la jeter et ne plus jamais y penser. Tu t’avances d’un pas décidé vers l’objet vermillon mais dès que tes doigts effleurent le métal froid ta détermination s’envole immédiatement. Peut-être que tu peux l’ouvrir une dernière fois, pas longtemps, vraiment quelques secondes avant de l’oublier définitivement. L’idée semble raisonnable, alors tu approches tes doigts du petit cadenas pour faire tourner délicatement les chiffres 02072018. Le verrou cède et tombe au sol entre tes jambes. « Juste quelques secondes ». Tu soulèves doucement le couvercle et tu es alors submergé par une vague d’émotions toutes plus prenantes les unes que les autres, la peur, la joie, la nostalgie, la passion, tout se mélange dans un tumulte retentissant qui te saisit violemment. Son sourire éblouissant, ses cheveux bordeaux, son regard ténébreux, ses hanches généreuses, son odeur de jasmin, ses manies hautaines, sa voix suave, tout te revient. Elle. Tes doigts effleurent l’écharpe en soie et des larmes coulent sur tes joues. Tu presses le morceau de tissus contre ton coeur en haletant, l’esprit envahi par des centaines de souvenirs. Comment ? Pourquoi après tant d’années ? Quand seras-tu enfin en paix ? Que faut-il faire pour l’oublier ? Tu jettes le foulard au sol en hurlant de désespoir, qu’as tu fait pour mériter ça ? Pris de remords, tu rampes péniblement jusqu’à l’étoffe que tu saisis avant de l’enfermer à nouveau dans la boite en fer rouge. Tu ne peux pas la jeter, pas encore. Tu verrouilles à nouveau le cadenas et tu glisses ton secret dans la poche de ta veste. La boite fera encore un autre déménagement. Un jour tu pourras l’oublier tu en es certain, un jour, un jour tu y arriveras. Mais pour l’instant il te reste encore trop de chemin à parcourir, trop de travail à faire, trop de faux sourires à esquisser, trop de baises monotones à simuler.

Pour l’instant tu es encore trop obsédé pour la laisser partir, pour tirer un trait sur celle que tu as un jour appelé « Maîtresse ».

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