Pour S.

Ta chemise est en lin, la montre à ton poignet vaut plusieurs SMIC et ton sourire est blanchi par des séances à répétition chez le dentiste. Tes vacances c’est Saint-Tropez, la côte d’Azur et les soirées à Ibiza. PDG d’une grande entreprise tu es le plus beau produit du capitalisme que la Terre ait jamais porté. Arrogant, égocentrique, « grande gueule », tu aimes pavaner comme un coq et multiplier les conquêtes. Tout semblait parfait dans ton petit univers doré jusqu’à ce que tu La rencontres. Elle, Elle est venue tout bouleverser.


C’était un soir de juillet, le ciel était rose et les rues de Paris bondées. Tu sirotais tranquillement un mojito à la terrasse d’un café huppé du sixième arrondissement en attendant que des amis te rejoignent. Tu avais sorti ton costume rayé des grandes occasions avec un seul objectif en tête : baiser.

Tu scrutais soigneusement chaque femme qui passait devant toi, la largeur des hanches, le volume de la poitrine, la longueur de la chevelure… Alors que tu étais perdu à faire ton marché ton regard a été attiré par une silhouette sur la terrasse d’en face. De longs cheveux bruns tombant en cascade sur un chemisier blanc entre ouvert, une jupe fourreau en soie et des escarpins noirs, le tableau est charmant. Tu te rehausses sur ta chaise et ajustes tes manches en pensant déjà à ta phrase d’accroche. Tu te lèves et te diriges d’un pas assuré vers la belle inconnue, un grand sourire au coin des lèvres et tu t’assoies à sa table sans demander son avis. Tu t’apprêtes à sortir tes phrases d’accroche habituelles mais à ta grande surprise la séduisante étrangère ne dit pas un mot et continue de siroter son gin tonic comme si de rien n’était.

Pas un regard posé sur toi, pas un son, c’est comme si tu n’existais pas. Tu te racles la gorge en souriant d’un air gêné et demandes alors : « Cela doit vous surprendre mademoiselle mais voilà je suis un homme de … », tu n’as pas le temps de finir ta phrase que l’envoûtante te coupe la parole pour te rectifier : « Madame, c’est Madame. » Un peu confus mais heureux d’entendre le son de sa voix tu corriges alors : « Haha oui Madame pardon, d’habitude les femmes n’aiment pas trop ce qualificatif. Je vous disais donc que je me suis permis de m’asseoir, je suis un homme de courage et je n’ai pu résister à l’idée de venir vous parler. » Le silence, encore. L’ambiance est pesante et tu te demandes ce qu’il va falloir que tu fasses pour attirer son attention.

Tu continues ton petit jeu pendant quelques minutes en vain et finis par te dire que cette pimbêche hautaine ne sait pas ce qu’elle rate et que la meilleure technique avec les femmes de toutes façons c’est de les ignorer. Tu te lèves donc sans dire au revoir et alors que tu allais partir tu remarques un petit détail autour de son cou. Elle porte une chaîne en argent avec plusieurs clés de tailles différentes. Tu dis donc d’un ton amusé :  « Vous êtes gardienne de prison ? » La mystérieuse relève la tête, baisse ses lunettes et te dit d’une voix suave « Mon grand si tu m’adresses encore une fois la parole pour dire de telles absurdités je vais devoir te rendre stérile. » Tu éclates de rire et rétorques « Quelle violence j’aime ça ! Et que faut-il donc faire pour espérer pouvoir discuter avec vous ? » La diabolique te répond le plus naturellement du monde « Refaire ton entrée. » C’est tout ? C’est tout ce qu’elle attendait ? Et bien s’il ne faut que ça pour espérer apercevoir la couleur de ses sous vêtements allons donc ! Tu traverses la rue en courant, te rassois sur ta chaise, te relèves et reviens rapidement te rasseoir à sa table en disant « Bonjour ma belle Dame. » « Toujours pas. » te répond-elle d’un ton sec en faisant signe de la main de recommencer. La rue, la chaise, la rue, la chaise, « Bonjour très chère que puis-je faire pour vous ? », « Madame bonjour je me permets de vous déranger », le petit manège dure une bonne quinzaine de minutes jusqu’à ce qu’épuisé par tous les allers retours tu finisses par lâcher : « Mais enfin s’il vous plaît dites moi ce que je dois faire ! » La belle te regarde alors droit dans les yeux et te dit « Je viens ici une fois par semaine, je m’assois toujours à cette table, le jour change mais j’aime m’installer pour le coucher du soleil. A toi de trouver quand je serai présente et de faire le nécessaire pour avoir le droit de m’adresser la parole. Tu n’auras qu’une chance par jour, un conseil réfléchis bien. » Elle se lève en laissant quelques billets sur la table et tourne les talons avant de s’éloigner de toi. Tu restes là sidéré par un tel comportement. Quelle audace, quel toupet, quel regard … Tu n’as jamais vu de femme si méprisante !

Il y a eu de nombreux couchers de soleil pour S. cet été 2021. Il a avec le temps appris à être patient et à peaufiner ses notions de politesse. S. a mis très exactement quatre mois avant de pouvoir adresser la parole à la brune incendiaire. Ce fut long mais ça en valait la peine. Après avoir fait ses preuves il a aujourd’hui sa clé autour de son cou, une grande fierté pour lui qui partait de si loin. S. a toujours sa monstre ostentatoire au poignet mais a complètement changé son mode de vie pour aller vers quelque chose de bien plus honorable pour son espèce : il est désormais chaste et consacre son budget à des activités bien plus intéressantes que ses propres loisirs. Il paraît qu’on peut même voir le mot « sunset » écrit derrière sa nuque …

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